lundi 28 mai 2012

Voyager longtemps

Voyager longtemps, ça te demande de faire des choses que tu ne ferais pas normalement. C'est aller au bout de tes limites, au bout de ta tolérance, de ta fatigue et de ta patience.

Voyager longtemps, c'est accepter d'être sale et d'être laid. C'est accepter de n'être jamais à ton meilleur. Chaque matin, je me réveille et la première chose que je fais, c'est de sentir mon T-shirt de la veille. Si il ne pue pas, ça veut dire que je peux le mettre encore... Je porte mes T-shirts 4 jours ou plus... Mes pantalons, c'est encore pire... Ça sent moins vite! Il y a des fois où j'ai du mettre mes sous-vêtements à l'envers, faute d'en avoir des propres... De cette façon là, avec 3 culottes, tu peux faire 6 jours.

Voyager longtemps, c'est accepter de manger des choses que tu ne sais pas... Manger des choses différentes chaque jours, dans toutes sortes de conditions. Manger en marchant, assis sur un petit banc ou dans l'autobus. Accepter de ne pas savoir dans quelle condition ça a été préparé, accepter que parfois, il n'y a pas d'eau pour te laver les mains et donc, pas d'eau pour laver celles de la madame qui te vend une salade de papaye sur le coin de la rue.

Voyager longtemps, c'est accepter de dormir avec n'importe qui. Je me suis rendue compte que je préfèrais de loin dormir dans un dortoir de gars, qu'un dortoir de filles... Une fille, ça passe son temps à pacter ses affaires, à jouer avec des sacs de plastique, à chercher tel ou tel produit dans son immense sac à dos. Un gars, ça rentre ça enlève ses souliers et ça se couche. Des fois ça ronfle, mais avec des bouchons dans les oreilles, je m'en sors bien...

Voyager longtemps, c'est accepter que des gens que tu ne connais pas voient tes travers... Avoir la diarrhée et aller aux toilettes dans un dortoir à 5h du matin alors qu'il n'y a pas un son, c'est partager une grande intimité avec des gens que tu ne connais pas... Tu te consoles en te disant que tu ne les reverras plus jamais, mais tu sais qu'ils se rappelleront de toi pour ça...

On a tous les mêmes tiques, les mêmes "cravings", les mêmes envies. Quand tu commandes autre chose que de la bouffe locale, en général, tu es déçu. La sauce de la pizza est trop sucrée, il n'y a pas de fromage sur tes pâtes, la viande de ton hamburger est douteuse, le fromage de ton sandwich est du fromage plastique... Pas de l'émental. Comme c'est insatisfaisant, le "craving" ne disparait pas, il grandit.

Avec Keith, renontré à Hoi An au Vietnam, nous avons réalisé que l'essentiel de nos conversations portait sur la bouffe, particulièrement celle à laquelle nous n'avions pas accès.

Avant hier, Nous avons trouvé un marché qui vendait du fromage. Nous avons fébrilement acheté deux morceaux à des prix exhorbitants et une boîte de biscuits soda. Il fallait nous voir déballer le tout avec avidité. Puis il fallait voir la déception sur nos visages en croquant dans du fromage ordinaire... Très ordinaire.

Notre "craving" n'a pas disparu, il a grandi.

Une salade tex mex.  Le seul craving satisfaisant que j'ai eu a date...

En Thaïlande et ailleurs en Asie, il y a une chaîne qui s'appelle 7/11. C'est l'équivalent d'un dépanneur. TOUS les 7/11 sont faits de la même manière. Ils font le bonheur des touristes...

On y trouve de tout... Des produits ménagers, de l'eau, des biscuits, des hamburgers, des crayons, du shampoing et de la bière pas chère... Mais le plus utile, c'est l'air climatisé.

Quand il fait très chaud, il m'arrive de rentrer au 7/11 juste pour me rafraîchir. J'ouvre les frigidaires, je compare les prix des bouteilles d'eau et je les referme...et on fait tous ça.

C'est aussi l'endroit pour obtenir du change pour un gros billet. Tu achètes une bouteille d'eau à 6 baths avec un billet de 1000 baths... Tu tends ton gros billet avec un sourire coupable, tsé, un p'tit air innocent... et on fait tous ça...



Plus je parle à des voyageurs, plus je me rend compte de nos manies. On a tous mangé un McDonald avec un plaisir coupable à un moment donné, on a tous acheté des copies de lunettes Ray Ban, on a tous eu les mêmes scams, remarqué les mêmes prostituées, refusé d'embarquer dans des taxis douteux, payé des túk túks trop chers en le sachant, envoyé des boîtes de stock à la maison, porté du linge vraiment sale, pué dans un train ou un autobus, pris des douches froides en trouvant l'eau trop chaude, apprécié l'odeur forte du détergent dans nos vêtements, ramassé les dégats causés par une bouteille de shampoing qui a coulé dans nos bagages, on s'est tous effondré sur un lit de dortoir surclimatisé en soupirant de bonheur.

Voyager longtemps, c'est réaliser et accepter que tu n'es pas une exception et que tu agis comme tous les touristes du monde entier. Tu as beau être gentil, pour un local tu restes un touriste, avec ses bons et ses mauvais côtés...

À bientôt,

Miss Anne






dimanche 20 mai 2012

Singapour ou la ville des interdits






J'ai quitté les éléphants, les chiens, les buffles et les chats. Je suis descendue à Bangkok en train et je me suis envolée vers Singapour.

On peut dire que je suis passée de "l'authentique animal" au monde du "paraître humain" (si il reste un peu d'humanité dans cette ville, j'en suis pas certaine).

Singapour est une ville parfaite. C'est propre, c'est beau, c'est sécuritaire, c'est facile. Ça clinque, ça brille et ça sent l'argent... Pas le p'tit argent, le GROS argent.

Gucci, Armani, Chanel, Vutton, Cartier se succèdent sur Orchard Rd, c'est le paradis du magazinage, là où toutes se promènent en talons hauts et en minijupe, arborant fièrement cartes de crédit et clé de voiture de luxe.

Je suis certaine qu'il n'y a pas de coquerelle à Singapour. Si il y en a, elles ont des yeux de diamant et elles sont signées Mont Blanc.

Et tout le monde marche droit. Tout ce qui dévit est dûrement réprimé, à coup de billets de banque ou de peine de mort.

Interdit de mâcher de la gomme.

Interdit de boire ou de manger dans le métro.

Interdit de jeter un papier par terre.

Interdit d'être homosexuel.

Interdit de ne pas flusher ta toilette dans un lieu publique.

Interdit de pisser dans un ascenseur (sans farce!).

Interdit de transporter des jack fruits dans le métro (parce que c'est un fruit qui sent les vidanges).

En d'autres mots, interdit d'être imparfait. À Singapour tout le monde est courtois, tout le monde traverse aux intersections, tout le monde est honnête, lucide, bien habillé, avec une voiture propre, des enfants sages, un mari fidèle, de l'eau du robinet que tu peux boire. Personne ne crache, personne ne crie, personne n'est saoul, personne ne klaxonne, personne ne fait de bruit.

Singapour est une belle ville sans réel caractère... Il faut dire que j'aime quand ça dépasse, quand c'est un peu sale, un peu croche.

C'était super d'être là-bas pour 3 jours. Et c'était magique de revenir à Bangkok, énorme ville pleine de caractère, de pollution et d'émotions, énorme ville habitée par des humains, des chats abandonnés, des rats, des handicapés, des pauvres. Une vraie ville, avec sa bouffe de rue, ses scams, ses taxis malhonnêtes, ses voleurs, ses personnages.

Bref, je suis contente d'avoir vu Singapour...et j'étais contente d'en sortir...

À bientôt,

Miss Anne






dimanche 13 mai 2012

Le plastique réconfortant du p'tit Ziploc

Je me suis réveillée à 6h ce matin. Une idée a traversé mon esprit brumeux...

"Mon passeport, il est où donc? Me semble que ça fait longtemps que je l'ai pas vu..."

Shit!

Ça fait une semaine que je cours dans la campagne, que je charrie de la marde, que je coupe du maïs, et que je carresse des éléphants. Mon passeport, il peut être noyé dans la gadoue, tombé sur un plancher de toilette, oublié dans ma chambre, déchiqueté par les crocs agressives d'un chien, vendu à un réfugié birman, ou quelques parts entre deux bancs d'autobus.

Toutes ces images se bousculent dans ma tête, mêlées à celles des portes du consulat canadien de Chiang Mai, de mon avion manqué pour Singapour que je dois prendre dans deux jours et des colones de chiffres qui s'aditionnent parce que je reste sur le territoire thaïlandais, malgré mon visa qui expire.

Bref, je panique, en silence, couchée dans mon dortoir.

Je peux pas restée comme ça, j'hyperventile... J'ai sorti tout mon stock du dortoir. J'ai épluché chaque sac, chaque poche.

Puis j'ai senti le plastique réconfortant du p'tit ziploc dans lequel je l'avais mis...

Ouf! Ouf! Ouf!

J'ai respiré et j'ai souri. Fin de la panique.

Je vais passer une belle journée!

Miss Anne





jeudi 10 mai 2012

Lek

Si le Nature Elephant Park existe, c'est grâce à Lek.

Lek est toute petite (d'ailleur Lek signifie "petite" en thaï), elle est dans la quarantaine et a décidé de consacrer sa vie aux éléphants. C'est la fondatrice du camp.

C'est la voix des éléphants en Thaïlande. Et je pense qu'elle doit crier très très fort, au moins aussi fort qu'un éléphant fâché.

Il faut la voir, elle a l'air d'une fourmis à côté de ses éléphants, elle fait ce qu'elle veut avec eux. Elle les entraîne à ne plus craindre les hommes, à faire confiance à nouveau. Ça prend de la patience et beaucoup d'amour.

Quand Lek entre dans une pièce, elle est suivie de 5 ou 6 chiens (qu'elle a aussi sauvés). Quand Lek sort de la pièce, les chiens sortent de la pièce avec elle, et ils n'ont pas été dressés pour ça.

J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi beau. Elle fait partie des gens qui changent le monde pour le mieux. Elle sauve tout ce qui bouge, des éléphants aux écureuils, et ce, avec la même attention. Dans un pays où les animaux n'ont aucun droit, elle se tient debout pour les éléphants, elle se tient debout et grandit de plus en plus jusqu'à devenir une géante dans un corps de puce.

Ça m'inspire et ça m'émeut...

Ciao!

Miss Anne

Mae Geao

Jeudi soir, 19h52:
Mae Geao, femelle éléphant de 89 ans vient de mourir il y a 20 minutes. J'ai vu Lek lui fermer les yeux et ça m'a ému. Elle sera enterrée sur le lieu de sa mort demain.

La nouvelle s'est répendue rapidement dans tout le camp. Le silence est de plus en plus lourd.

Mae Geao était le plus vieil éléphant du camp.

Vendredi matin, 9h00:
Mae Geao a été enterrée ce matin. Ils ont creusé un gros trou et ils ont mis son immense corps inerte dedans. Deux monks ont prononcé des paroles afin que son esprit se libère de son difficile passé et ère librement. Lek est descendue dans le trou, a déposé des bananes sous sa trompe. Son mahout est resté de glace, j'ai pensé à lui.

J'ai versé une larme discrète.

Puis Mae Geao est disparue sous la terre à jamais.

Nous sommes retournés au travail sous un soleil cuisant, une triste journée au Nature Elephant Park.

La tombe de Mae Geao


mardi 8 mai 2012

Nature Elephant Park


J'ai ramassé de la crotte d'élephant ce matin. Chaque crotte est grosse comme un melon et ça sent le fumier. Il y a environ cinq crottes par tas... Et chaque éléphant fait plusieurs tas dans la journée...

Un éléphant, ça mange 10% de son poid chaque jour et ça pèse entre 2 et 4 tonnes. Ça mange 18hrs par jour.

Il ne reste que 30 000 éléphants asiatiques. Il y en a 35 ici.

Il y a aussi 200 chiens.

Ils ont tous reçu des vaccins pour la rage alors j'ai le droit de les flatter... Mais ils sont vraiment sales...

Il y a des chiens à 3 pattes, il y en a un avec juste un oeil. Il est vraiment laid, mais il est super gentil. Je me dis qu'il doit être flatté moins que les autres alors j'essaie de passer un peu de temps avec lui.

Il y en a une soixantaine en liberté. Ils sont partout, ils dorment sur les tables la nuit. Des fois ils se battent... Ça c'est moins l'fun, mais ça ne dure jamais longtemps...

Les éléphants aussi des fois, ça devient fâchés. Il y en a un qui a presque chargé le tracteur à merde ce matin. Hier il y a eu une altercation entre trois éléphants. On a vu ça de loin, c'était vraiment impressionnant. Ce qui est impressionnant aussi, c'est de voir leur entraîneur les arrêter, seulement au son de la voix. Ils sont petits et agiles, ils n'ont peur de rien et les éléphants les écoutent. Ils n'ont que des bananes ou des citrouilles pour se faire entendre...

Il y a aussi quelques chats et des buffles... Tous rescapés d'une catastrophe ou de travaux forcés...

Si j'étais venue ici avant, je n'aurais jamais fait mon trek d'une journée. On apprend toutes sortes d'horreurs sur les méthodes d'entraînement. Tous les camps d'éléphants te disent que leurs éléphants sont rescapés de travaux forcés et qu'ils sont maintenant heureux et bien traités, mais je doute que ce soit vrai dans tous les cas. J'ai eu l'impression de faire mon trek sur un éléphant heureux, mais là, j'avoue que je ne le sais plus...

Mais le pire, ce sont les éléphants de show...

Ils ont tous subi le même entraînement horrible et continuent à être maltraités tous les jours, ils font de la peinture ou jouent au football... Mais le "behind the scene" est beaucoup moins sympathique, et ça ben il n'y a pas grand monde qui le sait... C'est le dark side des éléphants de la Thaïlande.

Les éléphants en Thaïlande, faut que ce soit rentable... Les bébés valent une petite fortune. Tu peux faire beaucoup d'argent avec un show d'éléphant. Tu peux aussi le vendre en Birmanie pour le deffrichage, c'est illégal en Thaïlande depuis 1995, mais c'est encore légal en Birmanie.

Bon assez de drame...

Mon programme d'aujourd'hui:
1ère vraie journée de travail...

- Ramasser de la crotte d'éléphant
- Décharger un truck de bananes
- Lunch
- Nourrir deux éléphants pendant un traitement vétérinaire (aujourd'hui, concombre et bananes)
- Nourrir un autre éléphant parce qu'il faut bien que ça mange (lui aussi concombres et bananes)
- Décharger un truck de citrouilles (il y en avait en titi!)

Je suis épuisée et vraiment sale. Les mouches tournent autour de moi...

Première vraie journée terminée. Il est 16h30.

Il me reste à aller flatter quelques chiens... Et sûrement quelques chats aussi (mais peut-être pas celui qui m'a mordu hier...)

Ensuite, douche!

Suis bien ici, malgré qu'il y a plein de bibittes la nuit... J'haïs les bibittes... J'haaaaaïïïïïs çaaaaaaaa!

Ciao!

Miss Anne

Je n'ai pas accès à un ordi, mais je mettrai des photos dès que possible...



samedi 5 mai 2012

Pai ou le royaume du baba cool

La vue du Darling View
La piscine du Darling View

Pai
Après 3hrs de courbes et deux gravols, je suis arrivée au royaume du baba cool.

Pai, petite ville fraîche et charmante au coeur des montagnes est envahie par des touristes hippies.

Ils sont plus ou moins jeunes, végétaliens, boostés au ginseng, ils sentent le patchouli et portent des grands pantalons de coton bruns ou oranges à motifs, parce que c'est vraiment confortable.

Ils sont français, allemands, américains, hollandais. Et il y a aussi Bubu le mexicain.

À Pai, tu peux acheter des bracelets de cuir, des mocassins et tu peux te faire faire des dreadlocks ou des tresses dans les salons de coiffure.

Même les thaïs ont des looks à la Bob Marley.

Et tout le monde est suuuuuper relax. C'est une bonne place pour "chiller" avec tes chums, pour trouver du "weed" et pour partager les expériences spirituelles que tu as vécues ou que tu comptes vivre en Inde.

C'est comme un Val David en plus gros. C'est super peace.

J'ai habité au Darling View. La propriétaire se fait appeler Darling et elle Darlinge tout le monde. Ça donne des phrases du genre:

"Darling! Another canadian darling is comming!"

Du grand balcon tout en bois, on profite d'une vue hallucinante sur la ville et les montagnes. Ils ont une petite piscine pour que les darlings puissent se rafraîchir et les lits des dortoirs en bambou sont immenses. Les darlings peuvent dormir en étoile dans leur lit.

Ils vont aussi chercher les darlings qui arrivent à la station d'autobus en mobylette.

Et il y a des vaches qui meuglent durant la nuit et qui empèchent parfois les darlings de dormir.

J'adore cette auberge, je pense que c'est le paradis des darlings.

Je suis rentrée à Chiang Mai aujourd"hui (3hr de courbes + 2 gravols).  Darling est venue me reconduire à la station d'autobus en mobylette.  Lorsqu'on s'est dit "aurevoir", elle s'est mise à pleurer.  Ne sachant que faire, je me suis mise à pleurer aussi. C'est pas mal émotif des darlings! 

Lundi matin, je commence une semaine de bénévolat dans un centre qui sauve des éléphants. Ça risque d'être une très grosse semaine et j'ai très très hâte!

www.elephantnaturepark.org

Ciao!

Darling